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  • Photo du rédacteurFabien

Blue in Green

Dernière mise à jour : 18 mars




  • Résumé :

Jeune prodige du saxophone, Erik Dieter n’a jamais percé et enseigne la musique, loin de sa famille et de ses ambitions passées. De retour dans la maison de son enfance suite à la mort tragique de sa mère, il tombe sur une vieille photographie d’un musicien de jazz dans d’étranges circonstances, et sa vie bascule. Désormais, Erik n’a plus qu’une idée en tête : découvrir l’identité de ce mystérieux saxophoniste. Mais cette quête réveille en lui les démons de son ambition… De clubs de jazz en révélations sur le passé de sa mère, Erik sombre peu à peu dans la folie, obsédé par la poursuite du génie créatif et de la reconnaissance… jusqu’à y laisser son âme ?


  • Critique :

De la douleur nait la beauté.

Les artistes comme Erik Dieter ont suivi les pas de Lucifer pour tomber en Enfer : un enfer construit sur leur propre mal-être. Mais en utilisant le feu de leurs âmes il leur est possible de se projeter à nouveau parmi les anges, de s'y trouver suspendus le temps d'une musique avant que la pression exercée par leur propre génie ne les expulse de ce paradis temporaire, avant d'être inextricablement rappelés aux flammes et de s'y voir consumés...peut-être pour de bon cette fois.


« Blue in Green » est des ces histoires qui commencent par un enterrement, celui d'Alana Roux. Pour Erik il s'agit de sa mère, qu'il semble ne jamais avoir connue, n'avoir jamais vraiment considéré comme une "maman".

Dans son foyer d'enfance il retrouve des fantômes de son passé : d'anciens camarades affichant leurs propres réussites, un hypothétique grand amour ayant récemment accueilli l'étreinte du célibat, ainsi que les restes de sa famille proche et pourtant si éloignée dont certains membres sont tout juste suggérés, comme une preuve de son manque d'implication.

Absent de sa propre vie, il erre sans trouver sa place dans ce foyer qu'il connait pourtant par cœur. C'est là que, point d'orgue de cette seule mauvaise journée qui aura conditionné le basculement à venir d'Erik, lui vient l'Apparition : un homme au teint blême, sorte de muse tordue, déclenche quelque chose en lui en mettant en avant un élément obscur du passé d'Alana.


S'en suivra la lente descente d'Erik dans les tréfonds de son âme, ses souvenirs, et ses regrets grandissant. On l'accompagnera comme un passager intime à qui il partagerait absolument tout, le texte s'écoulant fluidement au fil des pages telle une mélodie à la rythmique parfaitement orchestrée.

L'histoire nous embarque alors dans l'enquête d'Erik sur les traces du passé perdu de sa mère ; mais plus qu'une histoire de deuil maternel c'est aussi un deuil de l'autre lui-même qui nous est présenté, celui qu'il n'a jamais pu devenir à cause des choix de son ancêtre et des siens, un musicien vraiment accompli : un génie du jazz. Mais ce deuil il n'arrive pas à l'accepter, et pour ne rien arranger son aventure le remettra face à des opportunités manquées lui permettant de, peut-être, tout changer ; car après tout il n'est pas forcément trop tard.

Lui qui a jusque là choisi la facilité d'une vie qu'il considère médiocre et banale se retrouvera alors tiraillé vers d'autres voies : la reconstruction d'un cocon familiale par le don de soi, cette ouverture aux autres qui lui semble si difficile…ou bien faire vivre cette étincelle de génie née du choc de la mort de sa mère, par l'abandon de soi à son art ?


Le récit se veut surprenant dans sa construction et jusque dans sa conclusion qui a la capacité de hanter le lecteur qui aura pu s'investir pleinement dans le parcours d'Erik. Si cela ne nous encourage pas à nous attacher vraiment à cet homme négatif et profondément dépressif, le suivre si intimement, nous permet de comprendre son état émotionnel, sa manière d'observer le monde et son entourage, et les blocages qui l'empêchent de s'investir dans les relations humaines.


Du côté des dessins, Anand RK (complété par la très belle palette des couleurs de John Pearson) semble avoir absorbé le script de Ram V pour imaginer des visuels et les projeter tels quels, depuis son esprit sur les pages, dans des compositions qui se mélangent en une parfaite harmonie avec le texte.

Son style abstrait nous dépeint un univers très perceptible mais jamais tout à fait palpable, comme s'il passait son temps à nous glisser des doigts.

Il s'appuie sur une direction globale et des découpages qui rappelle des codes visuels des années 60'-70', comme les grosses lignes jamais droites et couleurs pop pour les débuts de chapitres, ou ces compositions en vignettes successives qui donnent l'impression d'un clip où les images apparaitraient au rythme des accords pour rester suspendues. Les références les plus parlantes auxquelles j'ai pu penser sont le générique original de « La Panthère Rose » ou encore celui de « Arrête-moi si tu peux » dont l'histoire se déroule à cette même période.

Les planches ne sont jamais ordonné de la même manière, présentant des organisations parfois assez régulières qu'il vient sans cesse briser et réagencer comme les feuilles qu'on voit plusieurs fois éparpillées dans un désordre étonnement bien organisé, comme une bonne partition de jazz qui réinvente sans cesse sa propre musique. Il est difficile de mettre des mots sur la performance tant il s'agit d'une expérience visuelle destinée à être ressentie par le lecteur.

En outre il insère quelques moments horrifiques, faisant intervenir cette pâle entité – la représentation du génie tourmenté ou bien encore avatar de la Musique elle-même – rappelant fortement le Joker de Dave McKean (illustrateur qu'on croira aussi retrouver dans certaines pages faisant penser à des collages). Une entité dont les représentations les plus horribles se font lovecraftiennes, avec ces tentacules de pieuvres pouvant à la fois presque évoquer un amas de tripes, comme celles que l'artiste se tue à sortir pour offrir ses créations les plus viscérales à son public.

Et si j'ai beaucoup aimé cette partie artistique, j'ai eu comme souvent un peu de mal avec les passages les plus visuellement horrifiques et touchant au body horror, qui m'ont paru presque gratuit tant la simple suggestion aurait semblé tout autant efficace.


Enfin je reviendrai sur un point fortement loué par l'éditeur : l'adaptation du texte en français.

On s'offusque facilement – et à raison – d'une mauvaise traduction, d'un texte mal adapté ou plein d'erreurs.

Une bonne traduction c'est celle qui ne se voit pas, qui se laissera apprécier dans l'ingratitude la plus totale.

Mais il arrive de temps en temps qu'un texte traduit soit si fort qu'il nous marque par sa lecture en nous faisant prendre conscience de sa propre qualité : c'est le cas de la présente traduction par Maxime le Dain, géniale dans ses choix de mots et ses tournures précises qui déroulent devant nous un texte qui, tout en étant profond et poétique, reste accessible.

Comme précisé, je savais ce point mis en avant par son éditeur mais ça ne change rien au fait que plusieurs fois je me sois arrêté dans ma lecture, impressionné.


  • Conclusion :

J'avais beaucoup repoussé ma lecture de « Blue in Green » par crainte d'un comics trop dense et trop centré sur le jazz, un genre musical que je ne connais que trop peu.

Finalement, la densité se ressent surtout dans le parcours psychologique de son personnage principal, amer et bourré de regrets, dont on suit les pensées .

Le jazz – qu'on peut voir considéré comme la Musique dans son état le plus pur – n'est alors qu'un outil narratif pour représenter tout ces artistes tourmentés qui n'arrivent réellement à exister qu'au travers de leur Art et se détruisent en dehors, frappés par une malédiction qui accompagne beaucoup de légendes, comme le fameux "Club des 27" par exemple.

Peut-être pas une œuvre pour tous, d'autant que sa partie graphique pourra diviser, mais un comics qui mérite réellement l'effort de s'y investir.


Fabien.

 

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